Bienvenue dans mon freaks show !
Ce n'est pas franchement dans mes habitudes d'étaler sur le Net mes activités caritatives avec les enfants coréens.
Mais pour répondre à une demande croissante d'informations à ce sujet, je lève ici le voile sur mon expérience personnelle en tant qu'enseignante d'anglais bénévole.
Mon parcours :
Étant arrivée en Corée du Sud en oct 2007 avec un visa d'accompagnante de James mon mari , je n'étais pas autorisée à travailler. En échange d'un salaire, s'entend.
Il etait hors de question de rester sans rien faire, et j'ai d'abord trouvé un poste de bénévole à l'orphelinat de notre province en animant des cours d'anglais et des ateliers cuisine.
Seule ou avec un traducteur occasionnel, avec 26 enfants d'une dizaine d'année présentant pour la plupart des problèmes de comportement (hyperactivité, hypersensibilité, crises de nerfs à répétition).
Le statut de l'enfant en général, est tout à fait enviable en Corée. Ils sont adulés, dorlotés, chouchoutés.
Sauf... si ce sont des orphelins.
L'obscurantisme, la bêtise, et surtout la priorité donnée à la famille, ou le respect de la lignée compte plus que toute autres valeurs, rendent la vie des orphelins nettement plus pénible que celle des autres.
Être orphelin en Corée c'est être et demeurer un bâtard.
C'est la garantie d'être rejeté, à l'avenir, dans sa vie professionnelle, sociale et affective.
Les employeurs rechignent à les embaucher, avoir un ou une petite amie est un tour de force pour eux (rejet des belles familles), et les propriétaires de logement ne veulent pas de " ça " chez eux.
Cette réaction aux accents moyennageux est une aberration dans un pays aussi développé.
Il m'arrive rarement de critiquer les coréens dans leur façon d'être, mais dans ce domaine, le passif est lourd et ma révolte ne tarit pas.
En plus des véritables orphelins, ils y a une montée inquiétante du nombre d'enfant placés dans ces structures d'accueil tout simplement parce que leurs parents bien vivants, et pour la plupart résidant à Seoul, n'ont pas les moyens financiers de s'occuper d'eux.
Ou bien ils sont issus de famille mono parentale (mère célibataire) et ces dernières préfèrent les cacher, pour ne pas dire dans certains cas, les abandonner, pour ne pas avoir à vivre dans la honte du regard social, corrosif à leur égard.
Je vous laisse imaginer la rancoeur et la douleur de ces enfants, dont certains ne voient jamais leurs parents, pourtant vivants.
Le seul lien est parfois une photo.
Mais pourquoi les familles placent elles leurs enfants dans des orphelinats aussi éloignés de leur lieux de vie, me direz vous ?
Tout simplement parce que l'Etat coréen prend complètement en charge le coût de l'éducation de ces enfants jusqu'à leur majorité des lors qu'ils vivent en zones rurales, mais pas dans les grandes villes, ou souvent les parents travaillent et ou le coût de la vie est plus élevé.
Devant cet état de fait, il est facile de comprendre pourquoi la plupart souhaite s'expatrier pour construire leur vie aux USA, au Canada, en Australie ou en Europe.
L'apprentissage de l'anglais est donc pour eux, encore plus que pour les autres, capital.
J'ai quitté l'orphelinat, faute de traducteur disponible en août 2008, et ai ensuite travaillé dans un foyer qui accueille des enfants qui ont un passé qui va de légèrement à très lourd, issus de familles en difficulté (orphelins de parents absents ou décédés ou de familles à très faibles ressources). Cependant ces enfants vivent tous en familles naturelles ou adoptives.
Une trentaine d'enfants de 8 à 16 ans y sont accueillit du lundi au vendredi, des 16 h après l'école, pour des activités créatives, le repas du soir (à 18 h) que je prenais avec eux, l'aide aux devoirs et des cours d'anglais (avec moi).
Ils repartaient à 21 h.
Tout était intégralement gratuit pour les parents, y compris les repas.
Le foyer étant financé par l'Etat (en petite partie) et de généreux donateurs privés (en grosse partie). Quelques entreprises locales aussi.
Le projet pédagogique de la Directrice a été élut parmi les meilleurs de la Province Gyeongsanbuk-Do, au centre du pays.
Son objectif : atténuer les problèmes de dépressions et de violence enfantine par l'art-thérapie, et la dynamique de groupe.
Les activités proposées :
Composition florale, atelier savon, atelier peinture, atelier cuisine
Atelier Ikebana (réalisation de bouquets)
Repas
Un menu classique : gateau de rix au poisson, choux à la tomate, concombres, riz et soupe de radis jaunes.
La directrice de cet établissement est une femme souriante à l'esprit ouvert et entièrement vouée à sa cause.
Elle ne désespère pas d'arriver un jour à apprendre quelques mots de français.
Pour l'instant, on en est à " bonjour comment ça va ? "
Madame Kim, la reine des lieux entre sa fille à droite et Bion-Tah, mon ancien traducteur et ami de Seoul.
3 employés s'occupent des repas et de la surveillance.
Elles s'occupent aussi des bobos physiques et de ceux de l'âme comme de véritables mamans.
Un relais d'institutrices bénévoles, toutes débutantes, s'occupent des devoirs.
Je propose des cours d'anglais à une classe de 12 éleves, que j'ai (affectivement) surnommé :
" Mon freaks show "
(pour les non anglophones, Freaks show = gallerie des montres)
En voici un apercu :
Composé de :
(Tous les âges indiqués sont leurs âges coréens, il faut leur enlever un an, voir deux pour obtenir leur âge occidental.
l'âge se calculant à partir du jour de conception et non pas à partir de la naissance en Corée. Ils ont un an à la naissance pour arrondir les neuf mois. Si ils naissent juste avant le nouvel an chinois, il peut y avoir jusqu'à 2 ans d'écart. Car alors âgés de d'1 an à la naissance plus quelques jours, ils prendront 1 an également au jour du nouvel an !
Mon amoureux : Yang Bin, 11 ans
Ce qu'il aime : Moi et le chocolat
Ce qu'il déteste : les piqûres
Son rêve : Se marier avec moi et ouvrir une chocolaterie.
Je lui ai déjà expliqué que j'étais déjà mariée mais ça n'a pas l'air de lui poser un problème.
Dans son projet de vie, James fera le chocolat pendant qu'on ira se promener.
Les soeurs siamoises (pourtant pas soeurs du tout) : Ha Eun, 12 ans et Ki Rim, 11 ans
Ce qu'elles aiment : être ensembles et les bébés chats.
Ce qu'elles détestent : être séparées
Leur rêve : Se voir offrir leur poids en pizzas.
Sages et douces comme des images.
Le type exact de petite filles qu'on a envie de kidnaper pour les manger de bisous.
Ki Rim (à droite) se remet doucement du décès de sa maman.
Je dois bien veiller à ne pas prononcer le mot " Uma " (maman) devant elle, sous peine de déclencher les larmes.
Elles fonctionnent en total binome.
La pile electrique : Ho him, 11 ans
Ce qu'il aime : le foot
Ce qu'il déteste : devoir rester immobile
Son rêve : rencontrer Park Je soon, le joueur de foot coréen partit au club Manchester United.
Alors celui la, c'est exactement et tout le temps, comme si il venait de boire 10 cafés.
Il parle, il parle, il parle.
Il bouge, il bouge, il bouge.
Il parle, il parle, il parle.
La studieuse : Seo Rim, 10 ans
Ce qu'elle aime : apprendre
Ce qu'elle déteste : avoir de mauvaises notes
Son rêve : devenir professeur de Coréen
C'est la plus grande du groupe. Sa maturité et son intelligence sont comme sa taille, supérieure à la moyenne.
Le gros bébé : Tsan Sap, 8 ans
Ce qu'il aime : imiter la grenouille (très, très doué)
Ce qu'il déteste : quand les grands ne veulent pas jouer avec lui.
Son rêve : que sa dent de devant repousse le plus vite possible.
Ce petit garçon est un gros bloc d'amour sur 2 petites jambes.
Tendre et sage, il est en demande permanente de câlins.
Il sait dire toutes les couleurs, les fruits et les objets communs en anglais.
Le rebelle, surnommé " Melamine "par les copains, 13 ans
Ce qu'il aime : perturber l'ordre établit.
Ce qu'il déteste : l'anglais (forcément)
Son rêve : devenir acteur de cinema ou pyromane.
Zéro boulot, tout dans la provoc, mais bien sympa quand même.
Champion quant il s'agit de faire rire les autres, la seule et unique activité capable de lui remuer les neurones.
Miss Calimero : You Bim, 14 ans
Ce qu'elle aime : Se plaindre !
Ce qu'elle déteste : toutes les injustices de la vie et le gras qu'elle a (parait-il !) sur le ventre, qu'elle appelle " son sangyupsal " (Barbecue de gras de porc).
Son rêve : Un monde heureux pour tout le monde.
Sur orbite pour une carrière politique, of course !
Très concernée par la vie des autres, c'est " Mademoiselle Conscience Collective ".
Toujours prête à aller au charbon quant il s'agit de défendre ses droits et ceux des autres.
Douce et attachante en même temps, bien qu'à mon avis sa ressemblance avec le cochon se situe plus au niveau du caractère que de son ventre...
L'enseignement de l'anglais sous forme de jeux est un vrai plaisir avec eux.
Je n'ai aucun problème de discipline et leur participation est très active.
Ils ne présentent pas de problèmes de comportements particuliers, si ce n'est la grande vitalité de Ho Him et la fragilité bien compréhensible de Ki Rim.
Ils sont avant tout vifs, curieux et intelligents.
Bref craquants, tous à leur manière. Infiniement craquants.
Les distributions gratuites de bonbons et de chocolats que j'organise ont bien évidemment aidé à me construire le statut de " star " du foyer.
Je sais que certains n'en voit pas beaucoup la couleur à la maison, et leur bonheur devant une simple shupa choop me boulverse.
Longue et belle vie à tous mes petits " monstres " !