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Bouteille à la mer de Corée du sud et autres " Corée-âneries "...
29 mai 2011

Dans la douleur mon fils, tu apprendras !

 

Il y a bien longtemps que me trotte en tête ce sujet d'article qui est loin de présenter la Corée du sud dans ce qu'elle peut avoir de plus reluisant.

Il s'agit de son système éducatif.




Mais où
 est le problème ? me direz vous puisque l'étude Pisa 2009 (étude réalisée tous les 3 ans auprès des pays membres de L'OCDE, visant à évaluer le niveau scolaire des enfants de 15 ans), a proclamé la Corée du sud grand vainqueur en terme de réussite ?

Voir le compte-rendu de l'etude Pisa en cliquant ici :

http://www.oecd.org/dataoecd/33/5/46624382.pdf

Et bien à l'âge ou les nôtres d'ados, ont bien souvent pour unique préoccupation de la journée, leur connexion (apparemment vitale) sur Facebook et la couleur du gloss ou du jean's qu'ils mettront pour la prochaine soirée chez Clara,
en Corée, on vit parfois un martyr.


La Corée détient le triste record mondial du plus grand nombre de suicides au monde parmi les pays industrialisés.
35 coréens tentent de se donner la mort chaque jour.

(source :http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/la-coree-du-sud-pays-le-plus-78193)

Mais pire que cela, son taux de suicides chez l'adolescent est également l'un des plus inquiétants au car il subit une augmentation jamais égalée dans les récentes années passées, allant mêmejusqu'à doubler d'une année sur l'autre.

Voir ici : :

http://coree.aujourdhuilemonde.com/le-taux-de-suicide-des-adolescents-coreens-augmente-de-50-en-un

Mais pourquoi ? quelles sont les causes de ces actes tragiques chez ces élèves globalement si méritants en terme de résultats ?
Pourquoi la Corée enregistre-t-elle, concernant ses jeunes, l'effarant nombre de 202 suicides annuels ? sans compter les tentatives ratées, faisant de ce fléau la première cause de mortalité chez les jeunes ?
Rappelons qu'en France, la première cause de mortalité
chez l'adolescent reste l'accident de la route.

Sur les 202 cas enregistrés de 2009, 140 de ces élèves étaient à l'université, 56 au collège et 6 à l'école primaire !!!
Rappelons qu'avec la différence d'âge coréen, ces eleves de collège avaient en réalité de 10 a 14 ans en âge occidental, et ceux du primaire, de 5 à 9 ans.
Alarmant.
(Source : Jongang Daily)



Bien sur les causes sont multiples mais les statistiques sont formelles.
Concernant 2009, 11 % des cas sur les 58 % (où l'on a pu déterminer la cause),  sont la conséquence de la pression subie à l'école.

Cette même année, il y eut une hausse de 50 % des suicides adolescents par rapport à l'année précédente.
Terrifiant.

Pour comprendre, il faut d'abord se pencher sur le quotidien d'un enfant en âge d'être scolarisé.

La maternelle :

Commençons par le début.

Prenons un cas X que nous nommerons Yeong-Hee.
Yeong-Hee a 5 ans en âge coréen.
Ce qui signifie qu'elle a 3 ans et demie ou 4 ans en âge occidental *.
C'est une petite fille rieuse qui va a la maternelle.
Elle s'y rend tous les matins grâce au service de minibus qui vient la chercher tous les matins à sa porte et l'y re-dépose chaque soir.
Elle est à l'âge de l'enfant Roi, qui va lui offrir un statut de Princesse absolue.




Que de fois les occidentaux seront surprit de la permissivité, voir du total laxisme des parents et des adultes coréens face à un jeune enfant, fille ou garçon capable de gâcher la vie de ses proches avec des comedies à n'en plus finir et des caprices que nous on règle par une bonne fessée ou par une punition.
En Corée il n'en est pas question.
Il est même extrêmement mal vu de lever la main (ou le ton) en tant que parent sur un très jeune enfant, que ce soit en public ou en privé.

Yeong-Hee dans sa petite enfance, sera donc dans sa vie extra-scolaire, chouchoutée, dorlotée, couverte de robes à frou-frou roses et de rubans.
On en fera une poupée vivante, on lui fera des couleurs et des permanentes (et oui ça existe même pour les bébés ici !), bref, Yeong-Hee sera considérée comme le centre du monde et on lui cédera absolument tout.


Tout sauf le fait de ne pas être la première.
Et comme il serait impensable qu'il en soit autrement, on l'enverra 2 ou 3 soirs par semaines après l'école, dans 1 ou 2 ou 3 de ces Hagwon (académies privées) qui fleurissent partout comme des champignons et qui me font l'effet de fantastiques machines à désapprendre.

La, après la première école de la journée à la maternelle, on se chargera de lui inculquer les joies du piano, du violon, de l'anglais ou de l'informatique avec les devoirs à la maison correspondants à 3 ou 4 ans !



Et pourquoi donc ? mais parce que ne pas envoyer ses enfants en académies du soir en Corée vous enverrez illico  dans la catégorie des parents indignes.
Un coréen ne fera jamais l'impasse sur ces dépenses-la, même s'il doit manger des nouilles lyophilisées du 1 au 30 du mois.
L'éducation scolaire est l'une des valeurs fondamentales confucianistes qui régissent encore la société de ce pays.

A l'époque des Empereurs, les intellectuels et les scribes avaient plus de pouvoir que l'Empereur lui-même.
Car ils détenaient la richesse suprême : la connaissance.
Pour chaque décision importante, les monarques devaient d'abord leur demander " la permission".

Aujourd'hui, placer ses enfants en hagwon est un signe de réussite sociale.
Il faut dire que c'est un commerce juteux qui coûte cher aux parents.
A 200 000 W/mois et par enfant (150 E) pour une seule hagwon, imaginez ce que cela coûte au final quand on inscrit son marmot à plusieurs académies, et que des marmots, on en a 3 !
Et personne n'y échappe car l'hagwon c'est simple, pour un parent coréen, cela se place sur la meme échelle de priorité que de devoir nourrir ou vêtir son enfant.

Ainsi donc Yeong-Hee va à 2 Hagwon par semaine.
Le vendredi matin, elle a régulièrement des cernes et du mal à se tirer du lit après la sieste de l'après-midi. Yeong-Hee a 5 ans ( 3 ans en âge occidental) mais elle est déjà en état de surmenage.
Et elle connaît déjà la compétition, le stress, les examens que ne lui inflige pas encore son école principale (la maternelle de la journée), mais celle du soir.

Le Primaire :

Et ça va continuer comme ça, et même s'intendifier en primaire.
On continuera à la chouchouter à outrance dans le privé à une exception près :
Si elle n'obtient pas de bons résultats à l'école.
Si cela arrive, ses parents affolés courreront l'inscrire à une hagwon supplémentaire, sans se rendre compte que c'est précisément de la que vient souvent le problème et que si elle ne travaillait déjà pas tant en académies du soir, elle aurait peut être de meilleurs résultats à l'école, puisque par la même occasion elle aurait son compte de sommeil, de jeux et de toutes ces activités d'éveil qui oeuvrent bien davantage en faveur de l'épanouissement d'un enfant qu'un cahier de solfège.



Et à l'école, le vrai cauchemar pourra commencer avec une nouvelle donne :
Les châtiments corporels.
En réponse à une tolérance zéro pour les mauvaises notes, une mauvaise réponse ou un travail non fait.

Je me rappelle de l'état de révolte dans lequel un ami s'est trouvé (enseignant d'anglais depuis 1998 en Europe ) lorsqu'il a vu pour la première fois cette pratique de ses yeux, ici en Corée il y a 3 ans.
Un éleve de 13 ans qui n'avait pas fait ses devoirs avait été punit à rester une demie-journée à genoux avec un gros livre à bout de bras, à porter au dessus de la tête.
On l'avait place à un endroit stratégiquedes couloirs lui permettant d'etre vu par ses camarades à chaque changement de cours.
A chaque fois que le livre descendait, il recevait un coup de poing sur la tête.
Il s'agissait la d'une torture pure et simple.
(Je vous met au défit de tenir plus de 10 mns avec un Larousse dans cette position.)
Tous les pedo-psychiatres le disent (et il n'est nul besoin d'etre médecin pour le comprendre), ce genre de châtiments laissent des traces dans la vie future d'un enfant, pas tellement pour la douleur en elle même mais pour l'humiliation vécue face aux copains.



Ceci sans compter les variantes du type coups de canne sur les fesses qui laissent des zébrures violettes et des hématomes pendant des semaines, les gifles et les coups de règle, les insultes publiques, les obligations a rester a genoux en équilibre sur une règle métallique,  que malheureusement bien des enseignants coréens continuent à distribuer du primaire au Lycée.



A ce sujet, voir ici une vidéo courte mais édifiante, diffusée sur une des TV nationales coréennes pour denoncer ces actes. Cliquer sur ce lien :
(attention certaines images peuvent heurter).

http://www.youtube.com/watch?v=Bv_d6laoxzM&NR=1




Le college :

Rien de bien nouveau au college pour Yeong-Hee, si ce n'est la meme routine :
L'ecole et la pression des notes, la peurs des chatiments et la 2 eme ecole du soir avec son travail supplementaire quasi journalier.







Le lycée :

Yeong-Hee qui n'a jamais reçu autre chose à l'école que quelques gifles et quelques coups de poing sur la tête, car elle est bonne élève, s'apprête maintenant à entrer au lycée.
Et la çase corse salement mais pour d'autres raisons.

En Corée, on entre automatiquement à l'université sur examen.
Le baccalauréat ne suffit pas. Il donne juste le droit à passer l'examen.
Et en fonction de la note reçue a cet examen, on sera envoyédans une université prestigieuse, moyenne, ou totalement déshonorante pour la famille.
Le simple fait d'entrer en université n'est rien, ce qu'il faut c'est entrer dans une université reconnue.

Tout est alors bon pour être admis aux plus reputées (essentiellement à Seoul) et la on peut le dire, certains enseignants, certains parents et la société en general deviennent parfois passible d'homicides involontaires sans le savoir.

Tout est bon dans la course à la réussite pour cet examen.
Un élève standard de première ou de terminale finira l'école à 18 h, puis il ira en Hagwon jusqu'à 20 h, Il y prendra son dinner, puis il retournera en salle d'etude à son lycée pour y bucher jusqu'à minuit/1 h du matin en salle d'etude.
Certains s'endorment même la tête sur leur pupitre en salle d'etude.
Ils passeront cette même nuit a dormir assis en salle d'étude.
De cette facon, comme ils disent ils economisent le temps de trajet maison et dorment plus !
Lever le lendemain à 6h30.
Et le week-end même combat, avec surenchères de hagwon pour courronner le tout. 

Le manque de sommeil, l'épuisement à répétition, la peur panique de l'echec, font non seulement en sorte que toute cette charge de travail devient parfaitement inutile, mais ils plongent aussi parfois les lycéens en pleine depression.

Voila, être les premiers à 15 ans parmi les pays developpés est admirable.
Surtout quand on considère que ce pays faisait encore partie du tiers monde il y a quelques dizaines d'années.
Oui  mais à quel prix !
Personnellement cette première place arrachée dans la douleur et l'épuisement, me ferait plutot l'effet d'un échec magistral.

La vie d'un enfant, sa santé mentale et physique mise sciemment en danger, ne vaudront jamais un palmarès. Le plus prestigieux soit-il.

Il semblerait malgré tout que les choses évoluent.
Suite aux récents scandales qui ont valut leurs suspensions à des enseignants coréens, un projet de loi visant à interdire les châtiments corporels est en cours.
On a même vu récemment des campagnes nationales visant à  " éduquer les parents ", dont les messages étaient :

" Apprenez à en demander moins à vos enfants ".
" Un enfant a le droit de jouer "
" Dormir, c'est apprendre aussi."

Mais avant d'en arriver la, combien de destins brisés ? combien d'années passées à convertir en années de souffrance, cette époque de la vie logiquement consacrée AUSSI  à l'insouciance, aux plaisirs sociaux, à l'éveil, à la vie ?

Un proverbe stupide de potache ne ne dit-il pas ici :
" 4 heures de sommeil c'est la réussite, 5 heures de sommeil c'est l'echec " ?

Allez, prions très fort pour que dans ce domaine, la Corée puissent évoluer aussi vite qu'elle a pu le faire concernant son miracle économique.

Pour Yeong-Hee, et pour tous les autres, par pitié, que ça change !



* âge coréen/âge occidental :
En Corée un enfant à la naissance a en réalité 9 mois, puisque le temps de gestation est considéré comme âge extra-utérin.
Pour des raisons pratiques ce + 9 mois est arrondi a + 1 an.
Donc bébé à 1 an quand il naît.
Mais il prend aussi 1 an a chaque reveillon lunaire.
Si l'enfant voit le jour, ne serait-ce qu'un jour avant le réveillon lunaire, il aura donc 1 an + 1 an, le lendemain du réveillon.
Soit 2 années scolaires de décalage par rapport a un occidental (ce qui est mon cas).
On peut donc dire que par rapport à nos élèves européens, les coréens ont tous de 1 a 2 ans d'avance.
 

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Commentaires
A
Bravo pour cet article très intéressant Barbara! <br /> <br /> C'est clair que c'est un vrai problème cette surenchère,ça fait peur... et quelle place pour la vie de famille et les "vrais" loisirs? <br /> la note positive de fin, sur la récente campagne montre que le système a atteint certaines limites.
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E
Et ben ça fait froid dans le dos. Et c'est aussi bien triste. Un très bel article, très intéressant!
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R
Très intéressant.
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