LA boîte à bonheur
Les blogs gnan-gnans, qui se pâment dans la narration nombriliste des faits infinitésimaux que composent une petite vie toute aussi infinitésimale,
le tout avec une platitude d'idées qui n'a d'égale que le Kalahari, disons-le tout net, ça m'a toujours gonflé.
C'est pourquoi je ne me suis jamais trop étalé ici sur mes états d'âmes, préférant vous faire voyager vers des contrées plus exotiques (que mes états d'âme bien sur !)
Mais aujourd'hui faisons dans l'exception parce que ce qui m'est arrivé hier,
c'est SUPER REPRÉSENTATIF de ce que vivent beaucoup d'expatriés un jour ou l'autre.
Hier donc, commença comme un de ces jours de ceux qu'on ne voudrait pas voir se lever.
Un de ces matins pas la frite ou tout est moche, à commencer par soi et son brushing.
(Je suis une spécialiste du brushing raté, effet méduse morte sur la tête).
Je m'étais déjà prise une dose matinale d'horreurs mondiales avec CNN News et BBC sur les coup de 8 h, avait éconduit pour la 6 ème fois du mois un duo de sangsues de chez Jehovah à ma porte à 9 h,
(Et oui on "Jehovate " aussi en Corée), consulté la météo de l'île qui nous annonce un déluge d'une semaine pour cause de mousson, quand le coup de grâce me tomba dessus sur les coups de 10 heures...
je reçois un mail d'un lecteur français qui me parle, je vous le donne en 1000, de fromage de chèvre !!!
Et que sûrement qu'on en trouve pas en Corée, et que comment ça doit me manquer, et patin couffin ( Patin couffin = patati patata en provençal, la langue des chèvres).
Le fromage de chèvre, ça fait 18 mois que je n'en ai pas mangé. Et si mes papilles mentales n'ont rien oublié, mon estomac lui, plonge dans la dépression chronique, en songeant à des montagnes de chèvre chaud, au Banon, au Crotin de Chavignole, au chabichou, a la tome cendrée, au vieux Bougon, au St Loup.
Parce que l'abstinence de fromage de chèvre, qu'on se le dise, c'est ce qui peut arriver de pire à Barbara.
Mon supplice du moyen-âge à moi.
Ainsi toute retournée (merci Internet du matin), je sors.
L'oeil aussi frétillant que celui du bovin en partance pour l'abattoir, et la tong bien détrempée par la mousson, me voila partie la mort dans l'âme et le moral dans le caniveau, au supermarché du coin.
Parce que dépression de l'estomac ou pas, il faut bien se nourrir.
J'étais en train de traînasser mon désespoir entre les sushis et la sauce soja, quand au hasard d'une gondole,
Voila t'y pas que je tombe sur ça :
Une boite de 24 mini chocolats belges importés à 2 E !!!
Ni une ni deux, j'attrape les 6 boites de l'étalage et je fonce à la caisse.
Je paye, et zou retour à la maison au quadruple galop.
(Je peux avoir un moteur dans les mollets parfois).
Puis, n'osant encore y croire, j'ouvre une boite :
(Rires, pleurs, émotions, applaudissements...)
La Morale de l'histoire :
La règle numéro 1 de l'expatrié heureux, ce n'est pas son salaire.
Quiconque s'expatrie doit le savoir, il est IMPÉRATIF de se constituer avant le départ, un comité de soutien culinaire, capable d'envoyer (voir contre remboursement),le fameux colis de survie de temps en temps.
Pas parce que ça rassure l'ego de se dire qu'il y a encore sur un autre hémisphère, des gens qui pensent à vous.
Pas parce que le cassoulet, le foie gras, le pâté, le bouillon Kub, le pesto, le saucisson et le fromage c'est bon.
Mais parce que recevoir ce genre de colis, c'est VITAL.
Et même s'il n'y a que de simples nouilles, du flan alsa et de la sauce tomate de chez nous dedans.
Pourquoi ?
Mais parce que lorsqu'on reçoit ce genre de trésors par la poste, c'est NOTRE PAYS qui nous revient en plein coeur.
C'est les visages qu'on aime et qu'on a quitté qui emplissent d'un coup la pièce.
C'est comme d'être téléporté vers cette multitude de gens, de lieux et de situations dont le manque fait tant souffrir parfois.
C'est comme un Noël au milieu du mois d'août, c'est toujours la fête.
Certes nous les expats, on a choisi. On est pas des réfugiés politiques, et on est pas venu nous chercher un matin avec une kalachnikof pour nous expédier au bout du monde. Mais c'est pas pour ça que notre quotidien est toujours rose bonbon au pays du camembert en boite qui pue pas (la Corée).
Et je peux vous assurer que lorsque que tout ça passe la porte en même temps que le paquet, c'est sacrément meilleur que d'avoir 3 grammes de lipides dans la bouche (même si il sont originaires du sud-ouest) .
La 2 ème Morale de l'histoire ;
Quand les publicistes de chez Quality street ont inventé il y a quelques années, le terme de
" Boîte à bonheur " pour leurs chocolats, ils ne s'étaient pas trompé.